Il faut se rappeler que la classe ca-
pitaliste monopoliste dirige à la
fois l’économie, la politique et
qu’elle contrôle aussi l’idéologie, la
culture et les mass médias en Eu-
rope comme dans tous les pays
capitalistes. Le prolétariat n’a pas
voix au chapitre dans cette guerre
intercapitaliste, alors, de grâce,
que l’on cesse de blâmer les ou-
vriers pour cette gabégie des pro-
fits en chute libre !
La classe ouvrière, faute de son
parti de classe sûr, expérimenté, re-
connu et influent, ne contrôle rien
et elle agit en observateur circons-
pect de ces tribulations politiques
et de cette saga économique, ré-
agissant instinctivement au gré
des événements.
L’euro, la monnaie de l’Euroland,
est depuis longtemps un projet fi-
nancier structurant voulu et im-
posé par un groupe d’oligarques fi-
nanciers européens afin de doter
l’espace de Schengen d’un instru-
ment économique et commercial
puissant leur permettant d’affron-
ter leurs alliés et concurrents,
d’abord étatsuniens, ensuite asia-
tiques. Il importe peu qu’au com-
mencement certains dirigeants
américains aient hypocritement
soutenu la construction de l’Euro-
land ; le parrain n’embrasse-t-il pas
le capot avant de l’assassiner ?
Dès l’origine, le plan de la caste
des financiers européens était
simple : forger l’unité commerciale,
industrielle, financière et politique
de l’Europe en créant un vaste mar-
ché unique (500 millions de ci-
toyens-producteurs-consomma-
teurs) et une vaste zone d’expro-
priation exclusive de la plus-value
ouvrière, avec répartition différen-
tiée des moyens de production et
d’échanges (à l’Allemagne sont ré-
servées les machines-outils et la
chimie, à la France l’aéronautique
et les produits d’opulence, à la
Suède la métallurgie, à la Pologne
le «cheap labour» et les plombiers,
à la Grèce les grands chantiers, à
l’Espagne le tourisme et l’immobi-
lier...).
La crise des «subprimes» et la
rasque de la dette souveraine
La soudaine crise économique et
financière de 2008, qui a fait dispa-
raître 2.000 milliards de dollars de
capitaux spéculatifs frauduleux et
détruit des millions d’emplois dans
le monde, a surpris les mandarins
de Bruxelles, les financiers de Paris
et les politiciens de Berlin et of-
fert aux Américains l’occasion d’at-
taquer leur allié et concurrent mo-
nétaire européen.
La surprise fut telle que le dollar,
dont la valeur reste inférieure à
l’euro, est encore présenté, par les
économistes patentés, comme une
valeur refuge. Les Chinois, eux, ne
s’y trompent pas, ils sont en voie
de liquider leurs derniers billets
verts plombés avant la grande dé-
valuation de ce numéraire par la
FED qui imprime 40 milliards de
nouveaux billets dévalués chaque
mois.
Le crash boursier de 2008 a donc
surpris les oligarques en plein pro-
cessus de structuration, d’harmo-
nisation, de réglementation et de
gestion de l’Euroland en cours
d’édification. L’ensemble des dik-
tats politiques, des contraintes
budgétaires, des garde-fous admi-
nistratifs, des mécanismes de
contrôle et de validation n’avaient
pas eu le temps d’être consolidés
en prévision de ce choc boursier.
Depuis, le système monétaire «eu-
ropéen» risque d’être emporté par
la tempête du surnuméraire (la
dette souveraine et l’argent spé-
culatif fictif).
Nonobstant ce danger, les politi-
ciens et les mandarins de
Bruxelles, au service des capita-
listes financiers européens, ont
d’abord tenté de colmater la
brèche athénienne, pompant les
crédits par milliards dans les
coffres des banques compromises
par cette dette souveraine, l’ob-
jectif étant de renflouer le rafiot
des armateurs et des banquiers.
C’est ce que les économistes bour-
geois ont appelé la «mutualisation»
de la dette souveraine européenne,
avec en tête le projet de créer les
«eurobonds», ce qui surviendra le
jour où les canards boiteux auront
été chassés ou mis en coupe ser-
rés. De ce fait même ils ont ag-
gravé la crise de surproduction et
de surnuméraire inflationniste
dans ce que Richard McGuire, ana-
lyste chez Rabobank, appelle «la
spirale de la mort» et que l’écono-
miste américain Joseph Stiglitz ca-
ractérise comme «l’économie vau-
doue (…) Le système fait que le
gouvernement (grec, espagnol, ir-
landais, italien, NDLR) renfloue les
banques et que les banques ren-
flouent le gouvernement».
Sur ces entrefaites les agences de
notation américaines s’invitèrent
dans cette galère et envenimèrent
la situation en abaissant la cote
de tous les pays du vieux conti-
nent, jusqu’à et y compris l’Alle-
magne, pourtant en excédent dans
sa balance des paiements. Ce fai-
sant, le renard américain sema la
panique dans le poulailler euro-
péen. Cependant, la classe ouvrière
n’a pas à prendre parti pour l’une
ou l’autre des deux parties. Elle
serait toutefois bien avisée de
prendre acte de cette bisbille dans
le camp opposé.
Chasser la Grèce de l’Euroland
La première manche de la guerre
de l’euro se termina par un K.-O.
S’apercevant que d’autres pays
faillis hantaient les corridors de la
Banque centrale européenne, des
pays désavantagés par la division
internationale du travail au sein
de l’Union, les bonzes de Bruxelles,
de Paris et de Berlin décidèrent
d’abandonner l’épave grecque aux
flots de la mer Egée déchaînée. Ils
lui posèrent de telles conditions
pour demeurer au sein de l’Union
qu’ils espéraient que le peuple grec
allait répudier l’entente négociée
avec les malandrins athéniens.
Plus malin qu’eux, le 12 juin 2012,
le peuple hellénique décida de don-
ner mandat à quelques malfrats
de renégocier le contrat d’austérité
préalablement signé. Le peuple
grec avisé estima qu’il valait mieux
mener sa guerre de classe de l’in-
térieur de l’Euroland plutôt qu’à
l’extérieur.
Aujourd’hui, les nababs de Paris,
Berlin et Bruxelles attendent pa-
tiemment que le gouvernement
grec remette le rapport sur ses ef-
forts pour briser la résistance des
Partisans du Pirée contre la succes-
sion de plans d’austérité, tous re-
jetés par les ouvriers enragés.
Alors ils expulseront le larron grec
sans pardon comme ils le feront
pour toutes les nations qui refuse-
ront les politiques d’austérité dras-
tiques des centurions de l’Elysée.
Ces manants espèrent ainsi sau-
ver leur monnaie commune ; ce
projet de marché d’expansion im-
périaliste commun, d’abord sur
leur propre glacis de pays conquis
– ces néo-colonies ex-pays de l’Est
– puis d’appropriation des mar-
chés internationaux face à leurs
concurrents étatsuniens, japonais,
chinois et indiens.
La Grèce s’enlise dans un long cal-
vaire de cinq années de récession
dont une contraction du PIB de
6,8 % en 2011 et de 6,7 % en 2012.
Frappé par un taux de 23,1 % de
chômage officiel, une dette souve-
raine correspondant à 165,3 % du
PIB national pour laquelle l’expo-
sition des banques françaises est
de 66 milliards d’euros.
De son côté, la dette souveraine de
l’Espagne se monte à 68,5 % de
son PIB, dette en hausse d’envi-
ron 10 % annuellement. Le chô-
mage atteint 25 % et le PIB recule
de 1,5 % en glissement annuel, avec
un taux d’emprunt obligataire de
7,5 %. Les banques espagnoles
sont plombées par 176 milliards
d’euros de mauvaises créances
spéculatives. Au printemps 2012,
la Bankia, quatrième banque du
pays, a vu sa dette «nationalisé»
pour 23,5 milliards d’euros publics,
empruntés par le gouvernement
espagnol à un taux usuraire de 6,4
%. En riposte, ce dernier compte ef-
fectuer 102 milliards d’économies
dans les services publics et ré-
duire l’allocation chômage de 60 à
50 % du salaire alors que la TVA
sera portée de 18 à 21 %. Et ce
n’est pas fini, il reste plusieurs ban-
quiers espagnols à emmitoufler et
des millions d’ouvriers à surtaxer.
La situation n’est pas meilleure en
Italie. Pourtant, le Président chi-
nois, en visite récemment à
Bruxelles, loin de calmer le jeu, a
confirmé qu’il endossait et sou-
tiendrait de ses crédits ce projet de
redressement de l’euro et de l’Eu-
roland qui contrevient directement
à l’hégémonie du dollar américain
en déclin.
La position politique ouvrière
Quelle doit être la position des ou-
vriers au regard de cette guerre
de l’euro qui fait rage dans le camp
ennemi ? Le problème ce n’est pas
la quantité, la qualité ou le coût
des services publics offerts à la
population. Le problème ce n’est
pas le niveau d’impôts payés par
les ouvriers ou par les privilégiés.
Le problème ce ne sont pas les
travailleurs immigrés que les capi-
talistes ont importés des pays af-
famés pour accentuer la concur-
rence sur le «marché» du travail
des esclaves salariés. Le problème
ce n’est pas la hauteur des bar-
rières douanières et tarifaires vi-
sant à protéger les marchés d’ex-
ploitation libéralisés. Le problème
ce n’est pas de ployer sous la ty-
rannie de l’euro, du dollar, du franc
ou de la livre sterling. Tout ceci
s’avère des conséquences et non
pas des motifs de la bataille de
l’euro. Le problème c’est la poli-
tique impérialiste expansionniste
européenne et le système capita-
liste de reproduction élargie qui
ne parvient plus à livrer les fruits
promis.
Le prolétariat, à travers son parti
de classe s’il existe, n’a pas à qué-
mander la tenue d’un référendum
«citoyen», ni besoin d’appeler à
des consultations «populaires» à
propos des plans d’austérité. En
quoi est-il utile que les ouvriers se
brouillent et s’embrouillent sur la
réponse à servir à ces projets
d’austérité que la bourgeoisie pré-
sente chaque fois comme inévi-
tables. La «solution finale» aux
maux du capitalisme c’est la fin
du capitalisme.
Que les capitalistes se débrouillent
et se brouillent avec leur guerre
monétaire contre le dollar, contre
le yuan et contre le yen et qu’ils
sauvent leur peau s’ils y parvien-
nent ! Les ouvriers s’objectent à
tout programme d’austérité pour
faire payer le peuple et les tra-
vailleurs pour la crise de surpro-
duction de ce système moribond
qui ne parvient plus à assurer sa re-
production et encore moins son
expansion. La bourgeoisie ne peut
sauver ce système sclérosé, alors
qu’ils s’écartent ces ploutocrates,
le prolétariat fera mieux que ces
scélérats !
Les partisans ne doivent pas ber-
ner les ouvriers ni les employés
avec cette pseudo «solution» que
présentent le Front national et le
Parti communiste Français et qui
consiste à prêcher la sortie de
l’Union européenne et de l’euro
pour favoriser le développement
d’un capitalisme vernaculaire fran-
çais (bleu-blanc-rouge et coq gau-
lois). Le capitalisme primitif – na-
tional et concurrentiel – a évolué
naturellement vers le capitalisme
monopolistique, puis vers l’impé-
rialisme triomphant, puis vers l’im-
périalissme décadent. Ce n’est pas
la mission de la classe ouvrière
d’inverser le cours de l’histoire
pour sauver le système capitaliste
en perdition. La mission historique
des ouvriers est plutôt de mettre
fin aux souffrances de la bête en
l’éradiquant. La solution ce n’est
pas de choisir un modèle quel-
conque de capitalisme, la solution
c’est de renverser le capitalisme.
RRoobbeerrtt BBiibbeeaauu
La bataille de l’euro
La gabegie des profits
débat
La NR 4472 — Dimanche 4 novembre 2012
11
,
La présente crise de
l’euro et de l’Euroland
résulte d’une bataille
entre les ploutocrates
européens et leurs alliés
et concurrents
étatsuniens pour le
contrôle des marchés
internationaux. Quelle
sera la devise prochaine
du commerce
international, le dollar ou
l’euro ? L’isolement et la
décrépitude.
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